Formation post-graduée et continue en médecine d’urgence : les frontières de l’infini et au-delà.

La médecine d’urgence est une spécialité jeune, reconnue dans la plupart des pays d’Europe et dans le monde. En Suisse, elle ne bénéficie pas encore d’un titre de spécialiste, mais tend à s’individualiser au vu de ses spécificités et de son importance dans un système de santé sous tension.

La formation post-graduée des différentes spécialités en médecine est assurée par les hôpitaux, sous l’égide de chaque société de spécialité et de l’institut suisse de formation médicale post graduée et continue (ISFM). Pour la médecine d’urgence intra-hospitalière par exemple, la Société Suisse de Médecine d’Urgence et de Sauvetage (SSMUS) demande d’acquérir, en plus d’un titre de spécialiste, une expérience clinique spécifique de 24 mois dans un service d’urgence. La formation comprend également la réussite de formations pratiques courtes (type ATLS- ACLS), une formation à l’ultrason d’urgence, un cours de médecine en situations exceptionnelles, et la participation à des colloques, des journal clubs et des discussions de cas organisés par les services d’accueil. Par la suite, la formation continue requiert la participation aux colloques de service reconnus, à des congrès et autres cours délivrant des points de formation reconnus par la SSMUS ou d’autres sociétés.


Si la formation au lit du malade et les colloques hospitaliers existent depuis longtemps, les autres offres de formation post-graduée ou continue ont beaucoup évolué ces dernières années. Dans les années 80’, les sociétés d’édition de livres et de journaux médicaux ont proposé des numéros spéciaux regroupant les connaissances essentielles par discipline (textbook). Ces manuels, d’abord volumineux, ont évolué pour tenir dans la poche de bon nombre de clinicien·nes Dans les années 90’, les certificats of advanced studies (CAS) ou autres diplômes universitaires (DU) sont apparus et se sont multipliés.


L’arrivée d’internet et des smartphones a ensuite transformé l’accès à l’information et à la formation. Les textbook au format papier se sont transformés en textbook électroniques permettant de stocker de nombreuses connaissances dans un smartphone. Les CAS et DU se sont vu complétées par des formations à distance et autres cours en lignes tels que les MOOC (Massive Open Online Course) et ont évolué vers de nombreuses plateformes d’e-learning, parfois payantes et lucratives.


La technologie a progressé de façon extraordinaire ces quarante dernières années. Les formations continues ont bénéficié de ces progrès, rendant plus facile l’accès au savoir et la participation aux programmes de formation. Après l’arrivée de l’ordinateur personnel dans les années 80, de l’internet dans les années 90, du smartphone dans les années 2000, les réseaux sociaux représentent une nouvelle révolution numérique et occupent une part très importante de l’information et de la diffusion de connaissance. Notre mode de vie a changé, notre façon de s’informer a changé. Bien que l’enseignement par les réseaux sociaux se développe de plus en plus, il peine à voir le jour au niveau de la formation médicale.


La médecine d’urgence est une spécialité jeune, en devenir, présentant un mode de fonctionnement bien particulier. L’activité clinique est non-programmable, irrégulière, et importante les soirs, les nuits et les week-end. Ceci implique une pénibilité supplémentaire. La crise du COVID et la crise du système de santé qui en découle ont également un impact très fort sur les urgences. Les services d’urgence sont surchargés, au bord de l’implosion. La disponibilité des médecins pour la formation est moindre.


Les contraintes actuelles pesant sur la médecine d’urgence partout et les modifications de notre mode vie ont mené les médecins urgentistes à s’adapter et à développer le concept de Free Open Access Meducation (FOAMED). Le FOAMED, avant d’être un moyen d’enseignement, est une philosophie de partage de l’information et de création d’une communauté. En 2014, Life in the Fast Lane* est le premier blog de FOAMED à voir le jour. Ce blog définit le FOAMED comme un concept, un mouvement, encourageant les collaborations créatives de professionnel·les de la santé altruistes, pour créer une communauté partageant de l’information indépendante, gratuite, en open access et en constante évolution. Finalement, cette communauté n’est pas très éloignée des communautés qu’Hippocrate ou Galien tissaient avec leurs disciples pour partager du savoir et de l’information.


Le FOAMED se présente sous diverses formes : des blogs, des thread (fil) tweeter, des groupes de discussion, des podcasts, des vidéos online, etc. Ce partage d’information en open access est particulièrement adaptés à notre mode de vie actuel et aux contraintes de la médecine d’urgence. La durée d’un podcast correspond à un trajet en train pour rentrer à son domicile. La visualisation d’une radiographie ou d’une image d’ultrason avec ses explications et ses références est parfait pour occuper un trajet en bus ou en métro, toute comme la lecture d’un article de blog ou d’un fil. Le quizz sur un ECG de STEMI atypique pourrait même agrémenter le scroll du soir sur instagram.


En 2022, la médecine d’urgences en Suisse romande a vu naître sa plateforme de formation post-graduée et continue FOAMED, qui offre différents types de contenus, accessibles partout et en tout temps, avec un concept de communication par les réseaux sociaux. Les Bruits du Déchoc s’inscrit dans cette philosophie de partage gratuite et sans contrainte de l’information, afin d’accroitre nos connaissances et continuer de se passionner pour notre magnifique spécialité qu’est la médecine d’urgence. Les Bruits du Déchoc offre un des rare accès FOAMED en langue française et basé en Suisse romande. Notre envie de développer une communauté et de pratiquer de la science médicale basé sur les preuves (EBM) nous a incité à constituer un comité éditorial intégrant des urgentistes de toute la Suisse romande, sous l’égide de l’Association Latine de Médecine d’Urgence (ALAMU). Ce comité éditorial se charge de vérifier et de valider les informations publiées.


Les Bruits du Déchoc n’a pas vocation à remplacer les colloques de services, les CAS, les numéros thématiques de la revue médicale suisse ou autre, ni à constituer une énième plateforme de e-learning. Ils complètent, grâce à son concept moderne, l’accès à la connaissance, sans frontière et sans restriction. Augmenter notre savoir, c’est améliorer la prise en charge de nos patient·es, et c’est aussi, nous l’espérons, rendre le monde (des urgences) meilleur.
 

François-Xavier Ageron et Perrine Truong
Co-fondateur·ice des Bruits du Déchoc


NB : Nous remercions tous les urgentistes impliqué·es dans ce projet et l’ISFM qui a financé la création des Bruits du Déchoc.


* Life in the Fast Lane (La vie sur la voie rapide) : www.litfl.com